Mal de Nephis

La paysan toussa légèrement pour attirer l'attention. Puis il dit:

- Président, nous, les principaux concernés, aimerions tout de même avoir notre mot à dire.
La Ligue Populaire nous représente peut-être, il n'empêche que deux voix valent mieux qu'une.
Alors, si dans votre bonté, vous nous accordez le droit du vote, cela serait bon.
Qu'en dites-vous ?

Il se tut et attendit une réponse...

Donnez-leur la main, ils vous arrachent le bras... Le regarde de Griffon s'assombrissait au fur et à mesure que commençait le procès. Les deux avocats étaient donc désignés... Neydrinella défendra Malenie, pourquoi pas, Griffon ne la voyait qu'à la taverne, mais elle avait l'air sincère avec Malenie.

Puis le magistrat de l'attaque entra dans la pièce, Griffon n'avait jamais vus cet homme... Même quand il se battait contre Nephis, même quand il s'était retrouvé emprisonné dans les cachots du village envahit...

Il remarqua les gestes que fit Malenie à ses hommes, mais il ne dit rien... Il ne connaissait pas le langage des signes de Nephis, c'était un langage militaire tenu secret...

Griffon ne dit rien, il se leva simplement pour saluer l'arrivé de Neydrinella.

Toujours tranquillement installé dans mon coin, je suivais les débats avec grande attention, afin de n'en rater la moindre bribe.

Ce procès prend une tournure de vrai procès, me dis-je.

Le peuple et ses différents représentants semblèrent satisfaits, tout se déroulait avec ordre et discipline, du moins pour l'instant.

Je connaissais en fait très peu de personnes parmi les personnes impliquées dans ce procès. Le vieil homme, Séléonor le Modeste, ne sembla pas perturbé le moins du monde par l'importance de l'évènement. Son expérience et son savoir devaient être grands.

J'avais déjà aperçu Dame Neydrinella à la taverne, une fort bonne cuisinière. Elle fit son entrée et s'adressa aux différentes parties avec tact et beaucoup d'assurance. Mal de Nephis aurait, sans nul doute une bonne défense.

Le paysan se faisait fort pressant envers le président, il semblait évident que plus le peuple aurait de voix moins la Reine de Nephis aurait de chance de s'en sortir.

La mine désapprobatrice de l'Intendant parlait d'elle même, il n'eut besoin de mot dire.

Je tentai de me glisser d'avantage vers les protagonistes, et attendis la suite des évènements.

Malenie se leva quand Neydrinella entra et fut étonné qu'elle accepte de la défendre. Cela aussi la mit à douter. Elle n'avait jamais fait confiance à quelqu'un, sauf Griffon et cela avait eu la conséquence de ce procès. Elle aimait se défendre seule, surtout que le procès n'allait pas être celui de Malénie, mais bien plus. Elle salua Neydrinella et pendant que déblaterer le paysan qui commençait légérement à échauffer les nerfs de Mal, elle s'entretint avec sa nouvelle avocate, l'homme noir aussi. Ils échangèrent des paroles que personne ne put entendre. Il fallait que Neydrinella sache dans quoi elle s'engageait. La discussion se termina sur la question de Mal :

"Acceptez-vous toujours de me défendre ?"

Elle regarda Griffon, et se maudit, ses hommes et se rassura. Pour l'instant elle avait l'impression d'assiter à une parodie de procès.
Un paysan du peuple qui ne faisait pas confiance à la ligue populaire, donc représentant du peuple, un avocat qui n'était pas un avocat, et toujours aucune accusation prononcée.

Griffon ne s'était pas assit après l'arrivée de Neydrinella... La voix lui avait à nouveau parlé... Il quitta en courant le tribunal, épée à la main...

Malenie écoutait Prom parler, quand elle entendit du bruit. Elle tourna sa tête et regarda Griffon s'en allait comme s'il avait quelques choses à fuir. Et oui il avait quelques choses à fuir.

Sans un regard pour elle, il quitta la salle. Malenie, sans réfléchir, se leva et cria : "Non" mais trop tard il était déjà parti. Elle allait le suivre, quand le petit homme noir la retint. Malenie se débattit, et quand elle allait courir après l'homme qu'elle aimait, les gardes intervinrent. Malenie contint tant bien que mal sa fureur qui la gagnait, il suffisait de faire un geste, pour qu'elle se sauve, un geste pour qu'elle aille secourir l'être qu'elle aimait.

On put voir sur sa figure son effort, et quand elle alla faire un geste décisif, elle se retint et le changea à la dernière seconde. Immédiatement deux Néphissiens se levèrent, et suivirent Griffon.

Malenie avait changé son regard, ce procès ne l'amusait plus, il fallait qu'il finisse vite.

Malenie ne put s'empecher de rigoler intérieurement. Et au lieu de s'adresser à l'avocat, elle s'adressa directement au sir Promethée, en se levant en signe de respect.

"Mon honneur.
Je n'ai jamais participé à un procès ici, mais vous demandiez des accusations, ce n'est là que des questions, sans aucune accusation claire.

Je dirais que l'on passe ici directement dans l'interrogatoire, hors je n'ai pas dit si je plaidais coupable ou pas, dans les faits qui me sont reprochés.
Et j'aimerai savoir vraiment, quels faits me sont reprochés, car je serais interessée de les entendre clairement pour que je puisse ainsi me défendre !"

Malenie se rassit, elle regarda des Néphissiens assis, elle lui adressa un regard interrogateur, et elle tourna la tête. C'est clair que le départ de Griffon n'allait pas l'aider. Pourquoi était il parti si rapidement, alors que son témoignage allait lui être d'un grand secours.

Malenie une nouvelle fois sourit. Et intervint.

"Ne parlez pas de choses que vous ne savez pas. Vous ne connaissez pas Néphis, n'en parlez donc pas, car vous pourriez dire des bêtises. De plus juste pour vous remettre au goût du jour, je suis retournée plusieurs fois chez moi, sans aucun problème.
Vous venez de montrer votre connaissance très élevé de mon pays.

Je rajouterai aussi que malheureusement sans doute pour vous, l'hastrateur Hiruka n'est pas mort, il serait donc bien utile que vous vous redocumentiez.
Vous venez de montrer votre connaissance très élevé de votre pays."

Malénie se rassit. Ses yeux étaient devenus d'un noir sans fond. Et l'homme noir se leva.

"Arrêtez de vous moquer de nous. Que ce soit l'Hastrateur Hiruka - oups excusez-moi - le mort qui n'est pas mort Hiruka, sire Mortifer, le sieur SaYoLe, Ethalicia, Seifer, sad, Aldénor...vous en voulez d'autres ou pas ?, tous ont tué lors de guerres interguildes ou pour des conquêtes de royaumes, tous, je dis bien, ont tué plus d'Aguératonniens que l'accusé ici présente.

J'ai pris la liberté d'aller voir le nombre d'hommes qu'elle a tués par son attaque et son royaume. Si nous arrondissons, cela fait 4000.

L'accusé ici présente, étrangère à Aguératon, reine d'un autre pays, accusé d'avoir tué des Aguératonniens, a tué 60 fois moins de personnes sur ce pays que Seifer, 20 fois moins de personnes que le sieur Hiruka, puisque vous ne voulez pas qu'on utilise sa fonction, 19 fois moins que le seigneur sad.

Alors, je me demande que fait elle ici ? Quelle crime a t'elle commis ? Surtout que pour sauver votre pays, elle a sacrifié son pays, ses responsabilités, et son peuple, et qu'elle a permis de libérer la prison, d'empecher le sieur Silimaure d'envahir Alérandir avec quelques milliers hommes, et de sauver à plusieurs reprises l'Intendant de ces terres.

Alors je me demande, seigneur Séléonore, puisque c'est là votre nouveau prénom, de quoi est-elle coupable ? Elle, qui a reconnu ici même avoir eu l'idée de prendre le contrôle d'Aguératon, elle, la Reine Malénie de Néphis a causé moins de morts que des aguératons d'origines.

Ses méthodes fussent elles barbares - mais après tout j'ai ouï dire qu'une guilde non officielle utilisait pas des méthodes les plus douces, rien ne justifie aujourd'hui sa présence dans le box des accusés."

Le vieil homme noir se rassit, et Malenie patientait tranquillement, espérant avoir de bonnes nouvelles de Griffon.

Cela faisait plusieurs heures qu'elle avait envoyé ses hommes à la poursuite de Griffon. Elle continuait à suivre son procès tout en pensant à Griffon. Que faisait-il ? Ou était-il ? Pourquoi avait il quitté le procès en courant ?

Ces réponses allaient bientôt être résolues. Mais cela elle ne le savait pas encore.

Des minutes passèrent, puis tout d'un coup elle entendit la porte s'ouvrir. La porte où entrait les témoins, la porte où les personnes qui assistaient au procès était entrés. Elle se tourna, sans se douter de ce qui allait se passer.

Elle vit un Néphissien entrer le regard au sol, comme s'il avait peur de regarder sa reine, comme s'il avait peur de lui dire ce qu'il avait à dire.

Malénie se doutant de la chose, se leva, impertubable. Les gardes qui la gardaient s'approchèrent et lui demandèrent de se rassoir, mais sourde à leur ordre, elle resta debout. Bien qu'elle se doutait de la nouvelle, elle ne voulait y croire.

Le silence s'était fait dans la salle, comme si tout le monde savait qu'un moment important se déroulait. Le Néphissien monta son regard vers sa reine.

"Griffon est mort" dit il sans broncher. Il ne portait pas Griffon dans son coeur, en effet il avait éloigné leur reine de Néphis, mais il ne pouvait que respecter le lien qui les unissait.

Malenie ne crut pas ce qu'il a dit, mais en voyant la réaction des gens, elle comprit. Une chose en elle s'effondra. La seule personne à qui elle avait ouvert son coeur, la seule personne qu'elle avait aimé, la seule personne pour qui elle avait sacrifié son trône, son pays, venait de mourir.

Elle devint sombre, sombre dans les deux sens du terme. Son habit changeait de couleur, ses yeux aussi, son humeur. Tout changeait se transformait. Elle sentait le pouvoir qu'elle avait, effleurer ses doigts. Elle savait un geste, un mot, le tribunal était mal. Elle fit un geste, et un homme sortit de la salle en courant. Dans trois jours, Néphis allait être au courant. Dans une semaine et demi, sans nouvelle de leur reine, Néphis débarquait à Aguératon...Et sûrement pas pacifiquement.

L'intendant était mort, mais Mal elle n'en avait rien à faire. Elle comprenait que tout ce qu'elle avait fait pour Aguératon n'avait aucune signification...la garde, etc.. Tout ça n'était que de la pure bagatelle... Alors que lui.

Malenie ne pleura pas. De toute façon c'était trop tard. Elle renferma juste son coeur et son visage. Sn visage devint dure, ses traits inexpressibles. Il ne se passait rien. Malenie était redevenu la Mal d'avant, celle qui ne montrait rien.

Mais cela lui coûtait. Que faire ? Finir son procès ? Mais qu'est ce qu'elle en avait rien à faire ? Qu'elle soit extradée, condamnée ou graciée, de toute façon cela ne changerait rien.

Son fiancé n'était plus.

Que faire ? Elle avait une terrible envie de mettre fin à Aguératon, d'envahir, de tuer, de faire un carnage, d'annihiler tout ce qui était, et tout ce qui lui rappelait Griffon. Elle avait une envie folle d'assassiner le Doux, celui qui avait éloigné Griffon d'elle en le nommant intendant.

Mais, peut-être qu'elle se rappela l'amour de Griffon pour sa patrie, peut-être que la Mal d'avant était à jamais disparue ou peut-être qu'elle ne souhaitait peut-être plus rien faire. Sans rien dire, elle descendit de là où elle était pour quitter la salle.