L'arrivée de Volkmar en Aguératon...

Des soldats gisaient sur le sol, des cadavres au milieu des morceaux d'équipement épars...
Le vent soufflait sur la lande, faisant claquer les tuniques des morts...
L'endroit semblait désert, mis à part cette dizaine de corps jonchant la plaine...
Des hommes d'armes, des humains...
L'un d'entre eux bougea un bras.
Etrangement, c'était le seul dont la chair ne semblait pas en train de pourrir, car des autres, une affreuse odeur de chair en décomposition se dégageait...
Le bras se leva une nouvelle fois, et un gémissement s'éleva de son possesseur: de toute évidence, il n'était pas mort, puis le silence se déposa comme un linceul sur le pré.
A ce moment, on était à peu près au milieu de la matinée...
Le soleil continua sa course, apportant la chaleur de midi.
L'odeur devint encore plus forte.
Vers la fin de l'après midi, alors que le soleil baissait, un nouveau gémissement se fit entendre, et l'unique survivant du groupe se releva péniblement, d'abord sur les coudes, puis en position assise; là, il fut pris d'une série de haut-le-coeur, et vomit un flot de bile, remué aux tripes par l'odeur des morts.
Cela faisait sûrement plusieurs jours qu'ils étaient là, solitaires...

Volkmar était assis, au milieu des cadavres, il était couvert de bile.
L'odeur de pourriture flottant dans l'air lui donnait une furieuse envie de revomir, mais il n'avait plus rien à expulser...
Il ignorait complètement depuis combien de temps il était là et ses souvenirs étaient flous, depuis le moment où ils avaient quitté la grand route, à 200, jusqu'à maintenant...
Il se releva tant bien que mal; aussitôt debout, il fut pris de vertiges, sa vision devint flou...
Il sentait ses yeux complètements secs, et le moindre mouvement des paupières lui faisait mal...
Mais malgré tout, il ne pouvait rester ainsi, la lumière lui brûlait la cornée.
Il arracha un morceau de sa manche, et l'attacha autour de sa tête pour en couvrir ses yeux...
Puis, titubant, trébuchant à chaque pas, il fit quelques pas en levant bien haut les pieds pour ne pas tomber, afin de se mettre à l'écart...
Il sentait ses pieds s'enfoncer dans les corps en décomposition, mais plus rien ne l'atteignait, maintenant...
Lorsqu'il sentit le sol ferme sous ses pieds, sur plusieurs pas, il en fit encore une dizaine, puis se laissa lourdement tomber position assise.
Il décida de rester ainsi jusqu'à la nuit, pour pouvoir récupérer quelques menues choses avant de quitter ces lieux...
Ensuite, il repartit dans ses songes, espérant que la lune se lève cette nuit là...

Peu à peu, le crépuscule approcha, puis ce fut la nuit, brusquement.
Heureusement, comme il l’avait espéré, la lune était pleine cette nuit là ; il se sortit progressivement de ses songes, avant de se remettre douloureusement sur ses pieds…
Immédiatement, la puanteur le prit à la gorge, sans provoquer plus de réaction cette fois-ci : même si il avait l’habitude des cadavres frais, il en avait l’habitude, cela ne le touchait même plu,, il avait vu tant de batailles…
Il enleva doucement son bandeau, espérant que la lumière de la lune ne serait pas trop forte ; elle ne l’était pas, il se dirigea vers le « charnier », pour récupérer de quoi voyager vers des terres habitées…
Il ne pouvait sérieusement rester ici…
En fouillant un peu, il s’aperçut qu’en vérité, il ne pouvait pas, moralement, laisser les corps ainsi…
Ils représentaient après tout les dernières bribes de son ancienne vie…
Il mit de côté les éléments qu’il décida de conserver : son épée, qu’il avait gardé au flanc, des bottes en meilleur état que les siennes, un couteau à viande, ainsi qu’un petit sac de vivre et une outre pleine.
L’eau en était saumâtre, et les vivres semblaient passés, mais cela valait mieux que rien…
Bien que ce fut peu de choses en vérité, ils avaient tout abandonné, ou presque, dans leur fuite éperdue.
Puis il entassa un à un les corps, pour faire un bûcher funéraire…
Pendant ce travail, il vérifia consciencieusement chaque corps : Il n’avait pas encore trouvé les deux choses les plus importantes qu’ils avaient gardé, l’étendard et les annales de la compagnie…
Il s’avéra que ces deux choses se trouvaient sous une pile de trois corps…
L’étendard était légèrement humide de sang, quand aux archives, leur coffret en bois les avait conservées…
Elles étaient malheureusement trop volumineuses pour qu’il puisse les transporter seul : plus de dix volumes retraçant des millénaires d’histoire…
Il les enterra sous un point facilement repérable, un énorme roc à 60 pas du bûcher qu’il venait d’élever.
Enfin, il mit le feu à ce macabre tas, et s’en alla sans plus attendre, pressé de retrouver quelque trace de vie…
Même les corbeaux n’étaient pas venus ici…

Le groupe d'hommes avançait lentement dans la région.
Ils avaient mis pied sur la côte depuis quelques temps, maintenant, et s'étaient enfoncés dans les terres à toute vitesse... Jusqu'ici.
Ils cherchaient quelque chose.
L'emplacement leur en avait été indiqué avec exactitude, mais encore fallait-il le trouver.
Tous à cheval.
Tous vêtus de noir, armurés de noir, casqués de noir, armés de noir.
Leurs chevaux aussi, étaient noirs.
Et les visages couverts d'un morion de cuir noir.
Encore que quelques uns d'entre eux se laissâ aller, dans ce quasi désert humain.
Ils n'étaient qu'une dizaine, et un seul officier.
Un homme de taille moyenne, légèrement grassouillet.
Brillant, qu'il s'appelle.
Evidemment, je ne l'ai pas vu, ça.
On me l'a rapporté.
Comme une bonne partie de mes écrits, du reste.
Force est de constater que certains d'entre nous ont de meilleurs talents de compteur que d'autres.
Finalement, le petit groupe, après des jours de pérégrination, arriva en vue du rocher.
Au loin, se dressaient encore les restes calcinés d'un bûcher funéraire plutôt mal foutu.
Les écrits cherchés étaient à leur place, sous le rocher.
Le Vieux ne perdait pas la boule, alors. Pas tout à fait...
Une fois leur mission accomplie, les hommes se partagèrent les coffrets de bois, et repartirent sur leurs pas, monter le camp un peu plus loin, quitter ce lieu macabre.
Peu après, pendant que le camp se montait, Brillant déclencha l'un des dispositifs qu'ils avaient conçu, lui, Pustule et Sourire, afin de signaler la bonne réussite de cette phase.
Ils en avaient d'autres encore pour indiquer un soucis, un retard, un échec, une bonne surprise, et toutes sortes d'évènements.
Le lendemain, ils prirent la direction approximative de la côte, pour se situer avant de tenter de rejoindre la capitale du Doux, pour la seconde phase de leur mission...

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