Plus que les sifflements du vent et les cris des animaux, cette nuit était bercée par de violents bruits de pas et les grognements farouches de quelques Morts-Vivants en mouvement. Chargés d'armes et de matériels en tous genres, les troupes de Tatalia étaient partis de la vallée où se tenait la réunion pour rejoindre le côte Ouest et la rendre close.
Ils étaient plusieurs centaines à posséder des canines disproportionnées, à perdre des lambeaux de peaux et à sentir le moisi. Ils arpentaient cette terre qu'ils connaissaient bien, dévorant chaque rencontre pour se redonner de l'énergie et maintenir cette manoeuvre secrète.
Derrière cette mortuaire avancée, on trouvait des fourches sans paysan, des colliers sans chien, des maisons sans habitant.
Rien ne pourrait empêcher les soldats d'arriver à bon port. Les gradés se taisaient, ils savaient tous où ils devaient aller et ce qu'ils devraient y faire. Ils se contentaient de marcher, et de mettre leur cerveau derrière leurs jambes.
Les morts-vivants fonctionnent grâce à un système bien précis, ils n'ont pas besoin de dormir tant que la nourriture leur donne suffisamment d'énergie. Et les proies, par les temps belliqueux qui courent, ce n'est pas ce qui manque. La nuit leur donnait donc une sérieuse avance sur leurs adversaires, surtout qu'ils appliquent leur besogne avec professionalisme et sans fioriture.
Bientôt, une vaste étendue noire apparut à leurs regards indifférents : la mer. Même si c'était leur objectif, aucun n'afficha un quelconque air de satisfaction ni ne manifesta un quelconque enthousiasme à la vision de la fameuse Côte Ouest, la plus fréquentée de l'Île. Le cortège continuait sa régulière marche, comme une machine.
Les premiers décédés foulèrent la plage. Les rôles étaient distribués d'avance. Quelques arbres furent coupés et agencés pour former des structures. Les premiers pièges furent mis en place : des pieux, des trous, des murs en bois. Les poutres commencèrent à ressembler à des tourelles. Les torches furent disposés tout le long de la Côte, un habile jeu de miroir placé autour de celles-ci permettait de fabriquer de puissants projecteurs braqués sur la mer. Quelques passeur d'alcool, quelques marchants en retard furent les premiers exécutés à l'arc ou au couteau. Les veilleurs se partageaient le terrain. De nombreux rocher furent balancés dans l'eau en guise de pièges à bâteaux, pour déchirer leur coque avant qu'ils n'accostent. De plus grosses armes commençaient à être montées : arbalètes géantes, canons etc. Partout se hissaient des drapeaux Pingouins et isulaires avec des inscriptions du type "Pour la liberté !", "Eloignez-vous de la Côte !".
Quand l'aube pointa ses lueurs hésitantes, la plage sur toute la côte Ouest fourmillait de troupes. Des tourelles fixés parfois directement sur les plus hauts arbres, permettaient de repérer des mouvements de troupes terrestres et maritimes à plusieurs kilomètres. Les ports et les plages de la Côte Ouest devenaient progressivement des forteresses et des remparts prévus pour résister à trois fois plus de soldats qu'il n'a fallu pour les construire. Les pièges et les murs s'agglutinaient les uns après les autres, sans pause. On déversait des hormones dans l'eau pour attirer les bêtes marines les plus féroces, on piégeait les forêts entourant la plage avec des fosses...
Bientôt chaque habitant qui souhaiterait passer d'un Continent à l'autre se heurterait au sourire cynique d'un mort-vivant affamé.
La serrure sur la mer s'apprêtait à être fermée. Ce soir, les pêcheurs ne reverraient pas leur famille.